Nicolas Fernandez – Design graphique
Date : may 2022.
Après deux ans passés à Amiens pour mes études, je me rends compte que je n’ai jamais fait de projet
photo là où j’ai vécu pendant près de 18 ans : Lille. J’ai pourtant l’habitude de rentrer chaque
week-end et je ressens toujours la même chose lorsque j’arrive à la gare. Ce sentiment étrange est un
mélange d’apaisement et de satisfaction. Premièrement, un sentiment d’apaisement ; j’ai l’impression de
maîtriser les lieux, je retrouve mes habitudes et les paysages que je connais. Je sais que si des
travaux ou changements ont lieu pendant mon absence, je les remarquerais et je serais en capacité de
faire le lien avec le passé des bâtiments ou du quartier. Cependant, à chaque retour, je me demande
inconsciemment si la « carte psychogéographique » que j’ai dans ma tête est toujours à jour. De nos
jours, les villes évoluent à un rythme effréné. Ces changements peuvent être physiques (nouvelles règles
d’urbanismes, aménagement du territoire) comme sociaux (gentrification, migrations).
Je suppose que nous ressentons tous un certain sentiment d’appartenance envers les lieux où nous avons
vécu durant notre enfance. L’idée de ne pas pouvoir être spectateur des changements de ces lieux, me
semble assez douloureuse. Je me suis éloigné de Lille il y a près de deux ans et ce départ m’a apporté
un regard différent sur la ville lorsque j’y reviens. J’ai l’impression d’être davantage observateur et
je suis facilement saisi par les choses qui m’entourent. Cet éloignement m’a donné envie de m’intéresser
à l’histoire des lieux que j’ai pu côtoyer. Il se trouve que j’ai toujours été fasciné par les
esthétiques associées aux banlieues. À mon sens, elles sont davantage intéressantes à analyser que nos
centre-villes, probablement de par leur diversité. Pour ce projet photo intitulé « Ville nouvelle », mon
intérêt s’est porté sur Villeneuve-d’ascq. À l’instar de Cergy-Pontoise ou Évry, c’est l’une des
nombreuses « Villes nouvelles » construites à partir des années 1970. Ces nouvelles villes se veulent en
opposition avec les banlieues-dortoirs qui sont sorties de terre pendant les années 1960. Je trouve
qu’il est particulièrement intéressant de se plonger dans l’histoire de ces villes sans héritage
historique, édifiées à partir de rien. En effet, ces villes ont été construites en plein champ ou alors
en détruisant des villages, faisant table rase du passé. Dans le cas de Villeneuve d’ascq, seules
quelques quartiers ou monuments en mémoire de la seconde guerre mondiale ont été conservés. Ces quelques
photos de cette ville dénuée d’héritage culturel et construite dans l’hygiénisme et le fonctionnalisme
des années 1960 agissent comme des archives. Je me suis laissé dériver à travers une ville pas toujours
conçue pour les piétons pour prendre ces photos. À l’inverse de lieux chargés d’histoires mainte et
mainte fois photographiés, j’ai fait le portrait d’une ville dont le nom n’était mentionné nulle part
avant 1970.